Véritable trésor culinaire qui se transmet de génération en génération, la socca niçoise figure parmi les spécialités les plus typiques et les plus extraordinaires du Sud Est provençal. Et encore, appeler le pays niçois par le terme Provence est presque un crime de lèse-majesté tant le Nissart est une langue propre et que les hommes se démarquent de leurs voisins, qu’ils soient français ou italiens. S’apparentant néanmoins à une recette typique de l’Italie, cette délicieuse préparation au goût exceptionnel est sujette à de houleux débats quand vient la question de son origine. D’où vient-elle donc historiquement ? Comment la préparer et la manger de manière traditionnelle ? Voici quelques éclaircissements, suivi d’une recette à faire fondre les papilles des gourmands et de nos conseils à son sujet !
La socca niçoise : une provenance bien au-delà du Moyen-Âge
Historiquement, il est assez difficile de retracer avec exactitude les véritables origines de la socca niçoise. Celles-ci se sont évanouies au fil des années, mais beaucoup pensent qu’elle serait une forme dérivée de la “farinata” italienne d’après plusieurs sources orales. Il s’agit d’une sorte de galette à base de farine de pois chiches dorée au four, notamment très appréciée par les Italiens au Moyen-Âge.
Elle aurait cependant des origines encore plus anciennes, notamment dans le bassin méditerranéen et au Moyen-Orient. Certes, l’ancienne Comté de Nice pouvait tenir des sièges face à de nombreux assaillants comme les Français ou les Italiens, grâce à leur stock de farine de pois chiche et d’huile d’olive. Cela ne confirme cependant en rien que cette galette ait déjà été dans les assiettes des habitants à l’époque.
Cependant, dans un de ses ouvrages écrit en patois niçois, le grand défenseur de la culture nissarde Raoul Nathiez transmet quelques éléments de tradition orale au sujet de la socca. D’après le livre, les habitants de Nice ont dû déverser de l’huile bouillante mélangée à de la soupe de pois chiche sur leurs assaillants Turcs lors d’un siège en 1543. Cela leur aurait permis à la fois de tenir le siège mais aussi de découvrir de manière fortuite la recette de la socca.
Il a pourtant fallu attendre les années 1900 pour voir cette étrange galette devenir populaire à Nice, grâce notamment à une certaine marchande ambulante nommée Theresa. Ce plat ni provençal ni italien, tout comme la pissaladière, emprunte alors définitivement l’appellation de “socca”. Depuis, la recette s’est propagée dans la vieille ville entraînant l’existence de nombreux vendeurs appelant dans la rue : “Cauda, cauda, cauda la socca !”. Est-ce ce cri des vendeurs ambulants qui a donné son nom aux déclinaisons de la socca à Toulon et La Ciotat ?
La socca se déguste dès sa sortie du four afin de préserver son goût unique. Voilà pourquoi elle est souvent achetée et mangée sur place. Elle est accompagnée de poivre et ne nécessite aucun couvert. C’était la merenda préférée des ouvriers de l’usine de tabac, des dockers et des pêcheurs qui l’employaient comme garniture en la glissant dans une petite miche de pain. Une façon “à l’ancienne” de la déguster, quasiment disparue à présent. De nos jours les vendeurs ambulants de socca qui se respectent vendent la socca coupée dans un cornet de papier journal et ce côté authentique et rustique est, après le goût, une des causes de sa popularité auprès des touristes. Les vrais vendeurs de socca la cuisent dans un four à bois ambulant (sur roues).
Les autres noms de la socca
En général, la préparation de la socca nécessite des ingrédients simples, à savoir de l’eau, de la farine de pois chiche et de l’huile d’olive. Les variantes sont toutefois multiples ainsi que ses formes. Ce plat peut prendre l’apparence d’une galette ou d’une crêpe dans certaines régions. A Nice la véritable socca est très fine alors qu’elle est plus épaisse du côté de Toulon ou même de Marseille. Ainsi, les véritables différences entre les déclinaisons possibles se tournent principalement vers la cuisson et le dosage des ingrédients.
Ce n’est donc pas un hasard si cette galette de pois chiches est connue sous de nombreux noms en Europe et dans le monde. En Ligurie, c’est la farinata. Celle-ci peut aussi se décliner avec l’ajout de cébette, de poutine, de pesto ou encore de courgettes par exemple. En Toscane, elle possède le même nom, mais s’appelle également cecina. D’ailleurs, elle redevient tortelasso en savonnais et simplement torta dans le “cinque e cinque” à Livourne (nom original qui signifiait cinq sous et cinq sous : cinq sous pour le pain et cinq sous pour la galette de pois chiche qui était donc mangée dans le pain).
D’autres pays connaissent bien aussi ce plat, sous le nom de torta di cecci en Corse, calentita à Gibraltar, fainé en Sardaigne et panelle en Sicile. A Marseille, la recette s’appelle panisse et à La Ciotat, elle devient la calda avant de devenir simplement cade dans le Var et à Toulon. Bien entendu, à Nice elle s’appelle socca et fait partie des spécialités emblématiques de la ville.
Hors d’Europe, le plat est aussi apprécié et possède différents noms comme karantika ou garantita en Algérie. Avec une adaptation épicée par rapport à la recette niçoise puisque y sont ajoutés du cumin et des œufs. En Argentine et en Uruguay, elle est appelée fainâ, mais se déguste froide. En Inde, une variante épicée existe et est appelée besan ka chilla.
La recette de la socca niçoise
Comme évoqué plus haut, la socca se mange chaude. Elle est à consommer, si possible, dès sa sortie du four, relevée au poivre. Aujourd’hui, ce plat fait partie des spécialités culinaires à la fois populaires et traditionnelles de nombreuses régions du monde, mais reste une spécialité niçoise. Leurs points communs se tournent cependant vers leurs ingrédients de base. Il en est de même de leurs caractéristiques croustillantes à la surface et moelleuses au-dessous.
Pour une recette de socca niçoise typique, voici ce qu’il faut retenir. En premier lieu, il faut d’abord 250 g de farine de pois chiches, 6 cuillères à soupe d’huile d’olive, 1 cuillère à café de sel fin, du poivre moulu et 1/2 litre d’eau. La préparation ne dépasse normalement pas 30 minutes et nécessite une plaque de 70 cm de diamètre ou bien deux plaques de 40 cm pour la cuisson. Il faut aussi un saladier profond ainsi qu’un four évidemment.
Il faut commencer en prenant le saladier et en y mettant de l’eau froide. Ensuite, y délayer la farine de pois chiches au fouet avant d’ajouter 2 cuillères à soupe d’huile d’olive ainsi que le sel fin. Il faut continuer en mélangeant vivement la pâte en enlevant les grumeaux. L’utilisation d’un tamis peut être utile. L’objectif est de la rendre consistante comme du lait non écrémé. Si besoin, il ne faut pas hésiter à ajouter de l’eau et à mélanger à nouveau.
Une fois la préparation terminée, il convient maintenant de préchauffer le four en position maximale pendant environ 10 minutes. Sur la ou les plaques circulaires correspondantes, verser 4 cuillères à soupe d’huile d’olive. Après, il faut répartir et enfourner durant 5 minutes avant de sortir la plaque pour verser le mélange et l’étaler de façon homogène. Il ne reste qu’à enfourner le tout aussitôt dans le haut du four pendant 2 minutes.
Ce délai dépassé, il faut mettre le thermostat sur en mode gril, laisser cuire la préparation durant 5 à 7 minutes et le tour est joué. Le but étant de bien rendre la croûte de la pâte dorée, même un peu brûlée pour la rendre croustillante. Après la cuisson, il suffit de retirer le plat du four, de le découper et de le servir rapidement tout en le poivrant généreusement.